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| Sujet: Recueil : dans l'Imaginaire et la Folie Dim 15 Avr - 13:04 | |
| Parce que je m'ennuie ^^ Donc voici différents textes écrits à l'occasion de battle ou bien sur le coup d'une petite inspiration épisodique. Les poster là m'occupe quelques minutes le temps que je trouve autre chose à faire. Peut être ma fiche perso ? ^^ FoudroyantThème de la battle : une chasse au fantôme. Résumé explicatif : après la mort de sa bien aimée, un jeune homme devient fou et cherche en vain celle qu'il aime. J'explique parce qu'au jour de la battle, personne n'avait compris et on m'avait fait des remarques du style "la folie permet à l'auteur de ne pas avoir à expliquer quoi que se soit, c'est un procédé de fainéant" ou "le style de la folie au détriment du sens", alors que bon, y'en a quand même un. - Spoiler:
Foudroyant ! Ça commence avec une explosion. Et tout d’un coup, comme une vague submerge dans mon corps l’émotion. Ah ! Je ne peux y résister – et pourquoi irais-je à l’encontre de cette volonté sublime ? Je cède !
Je ris. J’éclate et propulse de l’air alentour. Je bondis ! Saute d’un meuble à l’autre comme si le sol était maudit. Suspendu à une colonne de bois, je mets ma main droite en visière sur mon front. Je contemple mon royaume. Vigie de mon bateau fantôme, que dis-je, de cette épave croulante, mon regard perce l’horizon – fichtre non ! un mur, deux murs, je suis entouré de remparts de plâtres recouverts de papier peint moisi.
J’avale les marches d’une traite. Où es-tu ? Petit, petit… Ici ? J’ouvre une porte. Dans cette pièce, réunis autour d’une table d’abondance, festoient les morts. Que peuvent-ils bien manger ? Hey, je m’en fiche ! Mais n’était-ce pas un placard ? Comment peut-on mettre autant de monde dans un placard ? Baste, ais- je mon temps à perdre avec ça ? Mince, il est vrai, je l’ai déjà perdu !
Ah ah ! Le tapis fleuri fané me fait penser à une forêt couverte d’humus en décomposition. Jusqu’à ces planches branlantes, grinçantes. Je glisse dans les dalles fendues de la cuisine. Je saisis une miche de pain, l’émiette sur mon chemin. Hé hé, vais-je pouvoir l’appâter ? De quoi se nourri l’amour ?
Je rase les murs. Quel genre de piège dois-je monter pour l’attraper ? N’est-il pas lui-même un piège ? Où es-tu donc, mon petit ectoplasme de rouge coloré ? Quoi, qu’est ce qui bourdonne ? Serait-ce mon cœur qui battouille ? Serais tu en moi, spectre amoureux ? Je déchire promptement ma chemise et en éparpille les lambeaux. Je tape ma poitrine mais vain ! il n’y a rien, quel dépit.
Ah ah, si tu crois pouvoir m’échapper. Ainsi tu veux jouer à cache-cache ? Jouons plutôt à chat perché ! Je grimpe sur une commode et je cherche, je cherche un sens à la vie. Mais y en a-t-il seulement un ? Il y a-t-il un sens à l’écume des vagues se brisant sur les rochers, inlassablement ?
Soudain une ombre. Serait-ce Méphistophélès venant me proposer quelque pacte démoniaque – mon âme en échange de la clé qui ouvre toutes les portes ? Mais diable ! mon âme je l’ai déjà égarée, quelque part par là… Un souffle de vent et l’ombre vacille. Ce n’était que la turbulence d’une bougie. Je m’approche d’elle, l’impudente ! je la souffle, elle l’a bien mérité. Je suis le seul à avoir le droit de projeter des illusions dans mon monde.
Un bruit ! Quel craquement sinistre, l’avez-vous entendu ? A glacer le sang. Dans cette baraque patraque, un rien peut devenir effrayant, hé, si vous n’êtes pas aussi fou que moi ! Ah ah ! Cela vient de ce couloir. Des rangées de portraits vides s’alignent. Leurs occupants en ont eu marre et ils se sont tirés dare dare, je les comprends parfaitement.
Je hurle. Je cris, vide mes poumons. L’un d’eux est encore habité, et il bouge pardi ! Mais non, fichtre quelle peur, ce n’est que mon reflet dans un miroir. Suis-je donc vraiment ainsi, me demandes je en me contemplant avec fascination ? Suis-je ce squelette aux côtes émaciées, la peau brunissant sur les os, et au cœur en citrouille ?
Je vous ai eu ! C’est seulement ma démence qui parle, je ne suis qu’un homme parmi d’autres. Je dois me remettre à sa recherche, alors je tombe, satané escalier ! Je roulibotte sur les marches les unes après les autres, me meurtris chaque membre. J’entends un bruit de tuile cassée. De l’or en fusion coule de ma plaie à la tête. De la lave qui craquelle le plancher de vieux bois. Je m’étends parmi des éclats de verre épars. Je me rends compte que c’est ma mémoire qui s’est ainsi fragmentée. Fébrile, je tente de ramasser un à un les débris cristallins. Mais trop tard ! Je ne me souviens déjà plus de ce qu’ils représentent.
Que fais je ici, dans cette maison lugubre ? Je suis seul et pourtant je sens cette présence qui me suit, me poursuit, mon dieu ! Je dévore les couloirs à un rythme effréné, mais en vain, je ne peux lui échapper, semble t-il. Comment voir l’invisible ? Le monde dehors est noir, il n’existe rien en delà de ces fenêtres, trous sur le vide. Je m’englue dans les toiles d’araignées. Une sorcière funeste m’aurait elle jeté un sort effroyable ?
Un rire hystérique me prend, je convulse, m’écroule par terre. Je suis seul, je ne m’en aperçois que maintenant. J’ai cherché en vain l’inexistant. C’est le spectre de la folie qui m’a étreint et ne m’a plus lâché. Je reste obnubilé par une pensée qui me ronge, me dévore de l’intérieur. Te trouverais-je un jour ? mon fantôme d’amour.
Le bagageThème de la battle : un mobilier qui bouge Résumé explicatif : oui, une valise est bien un mobilier. Tout ce qui est meuble, ce ne sont pas les chaises et les tables, mais tout ce qui peut bouger. Le thème de la battle était donc redondant, puisqu'un mobilier est ce qui peut bouger. Bien entendu, on le comprenait dans le sens "qui bouge par lui même". Les fans de Terry Pratchett verront peut être l'hommage au célèbre Bagage, mais lors de la battle personne n'avait remarqué u_u Il y avait en contraintes que chaque début de paragraphe devait commencer par les mêmes mots. En l'occurrence, j'ai choisi "j'ouvre". - Spoiler:
J’ouvre ma nouvelle valise avec une espèce de fierté que je ne suis pas sûr de comprendre. Je suis heureux de mon acquisition, un bagage noir souple et résistant, assez grand pour contenir les milles choses que je me sens toujours obligé de prendre en voyage, quand dix suffiraient. C’est plus probablement le dit voyage qui me rend si content de moi. Par extension, tout ce qui me rappel ce départ m’empli de gaieté. Vais-je me laisser à siffloter ? Je m’y essaie, mais le résultat n’étant pas satisfaisant, je cesse bien vite.
J’ouvre mon armoire et farfouille à la recherche des meilleurs habits. Déjà, une pointe de désespoir m’étreint. N’ais je vraiment que du noir ou du gris ? Je sors ce que j’espère avec une certaine appréhension être une chemise bleue foncée mais c’est trop tard, le doute m’a envahi et je vois désormais toute ma garde robe en monochrome. On ne peut raisonnablement pas partir en vacances sans avoir l’air un minimum festif. De dépit, je saisis les vêtements inopportuns et les jettent presque rageusement dans ma valise, noire elle aussi me rend-je compte. Cette constatation me plonge dans une fureur fébrile. Je ferme la valise et d’un coup de pied l’envoi loin de moi. Je m’assoie sur mon lit et ferme les yeux pour me calmer. Je contrôle mon souffle, respire plus calmement.
J’ouvre les yeux. Ma valise est devant moi, à mes pieds. Je la fixe un moment, sachant que quelque chose ne va pas, sans trop comprendre quoi. Cela me dérange l’arrière du crâne, comme une sirène d’alarme aux allures de marteau piqueur. Je repousse légèrement la valise, m’accroupi, soulève le rabat. Je cligne des yeux plusieurs fois, expire brusquement, balaye ma chambre du regard avec frénésie. Non, c’est bien ma valise, il n’y en a pas d’autres à l’horizon. La porte de ma chambre est fermée, je l’entrebâille et jette un coup d’œil dans le couloir. Je suis bien seul chez moi. Je darde la valise d’un nouveau regard interrogateur. Non seulement les vêtements que j’y aie mis ne sont plus chiffonnés, mais impeccablement repassés, pliés et rangés en ordre, mais en plus ils se parent de couleurs franchement criardes, tel rouge bonbon ou jaune poussin.
J’ouvre le clapet de mon portable et appelle l’ami qui m’a à si bas prix vendu cette valise. Je ne lui donne pas la raison de ce rendez vous. Viendrait il si je lui avouais que c’était pour parler d’un bagage aux propriétés mystérieuses de transfiguration de vêtements ? Comme le doute m’étreint, je coule un regard vers l’intéressé. Toujours béante, la valise laisse entrevoir un spectacle qui ne déplairait pas à un hystérique du rangement. Je tâte l’intérieur, ne découvre aucun double fond ou mécanisme particulier. C’est en somme une valise parfaitement normale. On sonne, mon ami est arrivé.
J’ouvre la porte et laisse entrer le jeune homme aux cheveux noirs. Les présentations d’usage effectuées, je lui désigne la coupable.
« Un problème avec la valise ? demande l’impudent d’un air innocent.
__ Regarde, le prévins je en brandissant un doigt plein de menaces. Je prends un tas de linge blanc et gris et le jette pèle mêle dedans. Je hausse un sourcil de défis à l’encontre de mon compagnon, l’invitant à tout avouer avant que je ne procède à l’affligeante démonstration. Il me retourne un regard interrogateur et vaguement gêné. Je ferme le rabat, attend un instant, puis le soulève d’un air triomphant.
__ Oui, constate le garçon après un coup d’œil. Il y a une bonne contenance je sais.
__ Non ce n’est pas ça du tout, répliques-je agacé. Le linge était chiffonné et la valise l’a repassé toute seule !
__ Hum… trouve t-il juste à dire, et suivant son regard je m’aperçois que le linge est tel que je l’aie mis. Je marmonne avec affolement, referme la valise, patiente de longs et douloureux instants sous les yeux scrutateurs de mon ami, découvre avec appréhension son contenu…
__ Dame ! La dernière fois ça avait marché !
__ C’est un tour de magicien c’est ça ? demande mon ami dont le visage s’éclaire soudain de compréhension et de soulagement. Il me tape sur l’épaule avec condescendance. « Aller c’est pas grave, tu y arriveras une prochaine fois. Bon j’y vais, tu me montreras quand tu seras bien rodé. »
J’ouvre à nouveau la porte et le laisse sortir. Je reste seul avec ma valise, que je foudroie du regard pour la forme. J’ai presque l’impression qu’elle me le renvoi. J’en reste estomaqué. Vais-je me faire battre par une valise ? Je l’ai saisi et l’emmène dans ma chambre, je la lâche sur le sol, j’ouvre grand mon armoire et alors qu’une certaine hystérie s’empare de moi, je prend une pleine brassée de T-shirt et de pantalons et je les lâche dans le bagage. Le rituel reprend : je la ferme puis la découvre. Elle est vide ! Disparus, mes vêtements ! Je la soulève mais non, ils ne sont pas passés au travers. Je lâche sans le vouloir un petit rire nerveux. Puis je fais volte face, attrape tous les habits de mon armoire, la vide entièrement, tel que je ploie sous une montagne de chemises et de sous vêtements. Qu’elle avale donc tout ça !
J’ouvre la bouche, estomaqué. Elle n’est plus là. Je passe dans le couloir, pénètre dans la salle de bain. Aucune marque de présence non plus. Je tends l’oreille. Il y a comme un crissement. Je descends prudemment les escaliers, semant des chaussettes dans mon sillage. Oui ce sont ses roues, j’en suis certain. Elles patinent sur les dalles du salon. Je pénètre dans ce dernier avec précaution. Nous nous faisons face. La stupeur me fait lâcher ma stupide masse de vêtements. Elle se tient au beau milieu du salon, le plus naturellement du monde et sous elles, se trouvent des centaines de petites roues noires. La valise pivote dans un sens, puis un autre, comme si elle cherchait à me voir sous le meilleur angle. J’ai l’impression de me trouver face à un taureau, se préparant à charger. Je prends peur. Je recule d’un pas. Ses centaines de petites roues avancent. De sa propre volonté, la fermeture éclaire glisse en crisaillant, comme une gueule pleine de dents minuscules. S’en est trop. Je succombe à la crise de nerf.
J’ouvre violemment la porte de ma chambre après avoir grimpé à quatre pattes les escaliers et la verrouille de l’intérieur. Je me plaque dessus, haletant. Elle a pu descendre les marches en glissant, mais ses roues ne lui permettront pas de les monter. N’est ce pas ? Je m’efforce de me calmer, les nerfs à vif je tends encore l’oreille, à l’affut du moindre bruit. Crrrshiii. Crrsshhiii. C’est visiblement à quoi ressemblent une centaine de petites roues grimpant je ne sais comment les escaliers. Ccrrshiiclonk. Elle est sur le palier, devant ma porte. Aucune chance qu’elle arrive à tourner la poignée ou le verrou. Un choc me fait sursauter. Baaaam ! J’en reste ulcéré. Ccccrrshhiiiibaaam ! Tel un bélier elle prend son élan sur le parquet ciré et s’élance sur ma porte, tente de la défoncer. Elle qui était censée être ultralégère, comment peut elle avoir une telle puissance d’impact ? J’entends le bois se fissurer, vois de petits copeaux voler. Je balaye ma chambre du regard, cherchant désespérément une arme anti bagage fou furieux, mais n’en trouve à mon grand désespoir aucune. Mes yeux s’arrêtent sur la fenêtre. C’est mon seul espoir.
J’ouvre la fenêtre au moment même où la porte explose sous une ultime poussée. Des échardes grosses comme mes doigts sont projetées dans toute la chambre et plusieurs s’enfoncent dans mon dos et mon bras droit. Je gémi mais la terreur que m’inspire la valise noire l’emporte sur la douleur. J’enjambe le rebord et pose les pieds sur le toit. J’ai ce vain espoir qui me taraude le ventre et m’en fait presque pleurer, qu’elle ne puisse pas sauter assez haut pour passer par la fenêtre et que je m’enfuisse loin de cette folie, sain et sauf. Les tuiles oranges ne sont pas assez obliques pour me faire glisser, je peux courir dessus sans difficulté, jusqu’au toit du voisin, contingent au mien. Je jette un coup d’œil derrière moi. Je suis seul sur le toit. Je tente de me laisser aller à la détente mais je tremble de tous mes membres. Un faux pas et brusquement, je glisse.
J’ouvre les bras au ciel qui emplit soudain mon champ de vision. Il est gris. Ce paysage monochrome m’aura poursuivi de ses ardeurs autant que cette fichue valise. Je tombe, je tombe, je chute encore. Pourtant le toit n’est qu’à cinq mètres du sol. Je comprends soudain que la valise m’a avalé. Elle m’a attrapé au vol ou peut être m’attendait elle patiemment en bas, que je tombe comme je l’ai fais, pour me cueillir dans sa gueule ouverte. Je distingue les créneaux de sa fermeture éclaire, de ses dents vicieuses, qui se rapprochent de plus en plus. Ils dévorent le paysage, gobent le ciel et sa grisaille. L’obscurité se ferme sur moi.
Bataille spatialeThème de la battle : bataille spatiale ^^ Résumé explicatif : celui ci je ne l'ai jamais publié puisque je suis arrivé après la fin de la battle, je n'y ai pas participé. Un peu de science fiction dans ce monde de fantasy. A l'origine seulement l'introduction d'une plus grande histoire, je n'ai jamais écrit la suite. - Spoiler:
C’était un gigantesque vaisseau sphérique noir. Il renfermait en son cœur le cerveau de l’intelligence artificielle, de la taille d’une maison, et les générateurs qui l’alimentaient. Ils composaient seulement dix pourcent de la masse totale du vaisseau. Tout le reste consistait en un blindage uniforme de cinquante mètres d’épaisseur. Il n’y avait pas de canons laser, ni de tubes lance-missile. Le vaisseau n’était pas armé. Un tir ennemi bien placé aurait pu les détruire et l’explosion causer de terribles dommages à la structure. Seule une grappe de capteurs sortait, le réacteur s’étant quant à lui rétracté à l’intérieur, le blindage se fermant pour le protéger.
De fait, il dérivait dans l’espace, tranquille. A ses cotés, quatre bâtiments rectangulaires vomirent leur nuée de chasseurs. Il n’y avait nulle être vivant à bord. C’étaient tous des drones, immensément supérieurs à n’importe quel être vivant.
Ils n’avaient pas besoin d’oxygène, ni de pressurisation, aucun risque d’incendie à l’intérieur même de la machine, ni que le pilote suffoque par manque d’air. Les drones pouvaient accélérer à des vitesses impensables avec une créature de chair et de sang à bord, qui aurait fini broyée par la pression. Ils pouvaient négocier des demi-tours et des virages brusques sans craindre que le pilote ne soit trimbalé en tout sens.
Leur capacité de réaction était pour ainsi dire quasi immédiate. Leurs capteurs scannaient l’espace dans toutes les directions alentour et s’échangeaient en permanence les informations, relayées et traitées par l’intelligence à bord du vaisseau capital. Il était impossible de les surprendre. Ils pouvaient calculer les trajectoires des tirs ennemis et savaient précisément où aller pour les éviter. Ils ne tiraient pas non plus où un ennemi se trouvait, mais où il allait se trouver. Ils ne manquaient jamais leur cible.
Ils ne connaissaient pas la peur, ni la désobéissance. Coordonnés par le cerveau central, ils exécutaient un ballet complexe et unifié, sans aucun accroc. Ils identifiaient les cibles prioritaires, les points faibles et névralgiques, et frappaient de concert, massivement quand il le fallait, discrètement lorsque ce que c’était nécessaire. La fatigue leur était inconnue. Leur générateur interne leur permettait de combattre pendant trois milles ans sans s’arrêter et sans se recharger. Les cuves de nano-robots qu’ils transportaient les réparaient en vol.
Le point faible de cette organisation aurait pu résider en l’intelligence artificielle qui les contrôlait, si celle-ci n’avait pas été claquemurée dans un vaisseau pouvant résister à quatre cents impacts nucléaires et pourvue elle-même d’assez de cuves de nano-robots pour se réparer en temps réel à chaque attaque. Et quand bien même elle aurait été détruite, les drones possédaient leur propre intelligence embarquée. Grâce à un nœud de communication, ils regroupaient leurs cerveaux séparés pour l’unir en une intelligence semblable à celle du vaisseau capital, et ne perdaient ainsi rien de leur cohérence et de leur efficacité. Parce que leurs concepteurs avaient tout prévu, en cas de brouillage total des communications entre eux, ils pouvaient se débrouiller seuls sans difficulté.
Les drones n’avaient décidément aucun point faible. Ils étaient la mort, les destructeurs de civilisations. Rien ne leur réchappait.
Et pour cause. Loin des combats naviguaient des vaisseaux-usines aux dimensions d’une ville. Ils fouillaient l’espace à la recherche du moindre caillou pourvu d’intérêt. Ils s’y accrochaient alors et le pompaient jusqu’à la moelle, peu importait sa taille. De l’astéroïde à la planète, ils ne laissaient derrière eux que des cadavres excavés, ruinés par une industrie minière accélérée, aux cicatrices de lave qui jamais ne se refermeraient.
Quand ces usines avaient récolté assez de matière, alors elles en construisaient une autre. Une autre usine, qui partait alors dévorer un autre monde, pour construire une autre usine qui suivrait le même chemin.
Parfois, les sondes lancées à travers l’espace découvraient une nouvelle civilisation. Si elle ne représentait aucun danger, alors elle était détruite en même temps que son monde vampirisé. Si au contraire son niveau technologique était une menace, les usines convertissaient leur production vers un tout nouveau pôle de développement. Elles construisaient à la chaine drones et vaisseaux de guerre, qui s’en allaient réduire la menace à néant.
Les lumières peu à peu dans la galaxie s’éteignaient. Les vaisseaux-usines constituaient déjà des essaims implacables de millions d’individus, certains si vieux qu’ils en avaient arrêtés de se dupliquer et préféraient grossir, jusqu’à atteindre la taille de petites planètes. Aussi développées fussent les intelligences artificielles qui contrôlaient tout le processus, aucune n’avait jamais atteint la conscience. Elles demeuraient froides et sans sentiment. Aucune haine ne les animait. Juste un ordre, une programmation vieille comme leur existence et qui les obligeaient à défendre l’Humanité.
Car au cœur du désastre se trouvait le système Solaire, baigné d’une douce ignorance face au sort du reste de la Galaxie. Les Humains libres et égaux avaient peuplé leur système mère et jouissait d’une civilisation éclairée et prospère. Ils ignoraient comment traverser l’espace interstellaire. Quand bien même l’auraient ils voulu, l’auraient ils pu ?
Les essaims de vaisseau-usine n’étaient rien, face à la flotte qui protégeait le système Solaire. Dix milles systèmes avaient été broyés pour bâtir cette armada : cent milliards de vaisseaux de guerre entouraient le système Solaire et l’enfermaient dans un cocon impénétrable. L’ordre était simple et clair : il fallait protéger l’Humanité. Aucune entité probablement menaçante ne devait pouvoir toucher à un être humain. Les vaisseaux détruisaient jusqu’aux comètes interstellaires qui s’aventuraient trop près, ou plutôt les recyclaient en de nouveaux vaisseaux de guerre. Quand une flotte avait accompli son devoir et anéanti une civilisation trop développée, elle venait grossir ces rangs, comme une récompense à ses bons et loyaux services.
L’Humanité dormait paisiblement, ignorante des monstres qu’elle avait engendré. Comment aurait elle pu se douter que ces dizaines de vaisseaux-usines envoyés il y a si longtemps dans les confins du système Solaire pour en tirer de la matière précieuse, allaient connaitre un tel développement et sur-interpréter les ordres de leurs maitres ? Chiens fidèles aboyant et mordant le moindre passant innocent se rapprochant trop à leur goût de leur demeure.
Ainsi le vaisseau noir donna t-il ses ordres aux milliers de drones. Face à eux, une flotte appartenant à une espèce quelconque. Elle avait automatiquement été baptisée « Xéno ». Xéno 281, pour être plus précis. C’était son système natal qu’elle défendait, une étoile bleue autour de laquelle gravitaient huit planètes telluriques et trois géantes gazeuses. Ce peuple pas particulièrement pacifique mais plutôt diplomate, avait entendu parler des Dévoreurs de monde. Il savait qu’il se battait pour sa survie.
Les trois milles six cents drones lâchèrent chacun quatre têtes nucléaires. Les Xénos 281 avaient dressé un imposant champ de mines, mais l’espace à trois dimensions permettait de facilement l’éviter. Les missiles passèrent au dessus, en dessous, dévièrent sur les cotés. Les drones firent de même. Le vaisseau noir, était désormais en partie protéger par le champ de mines Xéno, qui formait une barrière entre eux et lui.
Les plateformes de combat Xéno mitraillèrent l’espace de projectiles à hyper vélocité. Des centaines de missiles explosèrent mais leur formation était dispersée sur des milliers de kilomètres et il n’eu quasiment aucune réaction en chaine d’explosions simultanées. Les croiseurs Xéno tirèrent des missiles anti-missiles, chargés de faire exploser les projectiles ennemis avant qu’ils n’approchent trop de leurs lignes.
Dans l’espace fleurirent les bouquets nucléaires. Le cosmos fut saturé de radiations. Les Xénos 281 se rendirent bien vite compte qu’ils pouvaient détruire les têtes nucléaires par milliers, il en suffisait de trente pour leur occasionner des dommages immenses. Et il en restait deux bons milliers quand elles frappèrent.
Leur tête perforante se planta profondément dans les coques, avant que les charges explosent et vaporisent littéralement les vaisseaux touchés et voisins. La moitié de la flotte Xéno avait été balayée, transformée en immense champ de débris radioactif. Accusant le choc, ils durent faire face à une menace bien pire encore. La redoutable organisation des drones qui fondirent sur les blessés et les achevèrent, ciblèrent les plus faibles, s’y concentrant, les détruisant les uns après les autres.
Tout se passait trop vite. Les drones allaient trop vite. Réagissaient trop vite. Dans le chaos de la bataille spatiale ils parvenaient à éviter tous les tirs, quand les Xénos se canonnaient mutuellement.
Le vaisseau noir resté à l’écart envoya un bref signal. Aussitôt derrière lui surgi un essaim, trois cent milles vaisseaux-usines et leurs drones récolteurs. Ils mitraillèrent précisément le champ de mines et n’en laissèrent aucune. Ils dépassèrent sans lui prêter attention le vaisseau noir, boule minuscule parmi ces géants, et évitèrent les nuages de débris radioactifs. Ils avalèrent gloutonnement les restes les plus gros, voir même des vaisseaux entiers toujours actifs. Ces derniers leur tiraient désespérément dessus, espérant leur échapper, les endommager, mais rien à faire. Ils furent dévorés vivants, prêts à être atomisés, équipages compris, puis reconstitués sous une forme plus appropriée.
Les drones passèrent le système au peigne fin, détruisant toutes les installations orbitales ou planétaires. Ils n’oublièrent personne. Les vaisseaux-usines s’éparpillèrent. Cent mille stationnèrent au dessus des trois planètes habitées. Ils les pilonnèrent à coup de bombes à neutron, exterminant toute forme de vie avec un minimum de dégâts et de radiations.
Puis ils s’installèrent sur les mondes et commencèrent leur travail de sape. De leurs entrailles vomirent des millions de robots ouvriers. Il ne fallut que quelques heures pour que les cités industrielles se déploient et dévorent méthodiquement tout ce qui présentait le moindre intérêt.
Combien de temps faut il pour tuer un système stellaire ?
Il ne leur en fallu que cinq mois locaux. Ils ne laissèrent derrière eux que des cadavres de mondes. Deux millions de vaisseaux-usines quittèrent le système, soit six fois plus qu’il n’en était entré. Ils avaient découvert une nouvelle civilisation à détruire. Les Xénos 282.
Une histoire sanglanteCe n'est pas une battle, juste une histoire qui m'est venue à l'esprit lors de mes longs et réguliers trajets en métro, et reposant sur l'actualité. Et si un tueur venait dans la fac et tuait tout le monde ? Un petit récit sans prétentions. - Spoiler:
Il avait peut être l’air d’un adolescent d’ordinaire, mais à l’instant présent on devinait un homme dans son visage tourmenté. Ses cheveux noirs étaient en bataille, désordonnés à force qu’il passe nerveusement sa main dedans, serrant parfois, s’arrachant un cheveu ou deux comme si la douleur pouvait le convaincre qu’il était encore en vie. Ses yeux bruns hagards jouissaient cependant d’une certaine force, cette lucidité de celui qui vient enfin de sortir définitivement de l’enfance et accepte le monde des adultes, bien qu’ils soient rouges d’avoir pleurés. Il portait un jean autrefois bleu, constellé de taches de sang séché, comme s’il s’était roulé dans des marres d’hémoglobines. S’il était vêtu d’une blouse d’hôpital, c’est qu’il était arrivé aux urgences torse nu. La panique passée, on lui avait courtoisement autorisé à se doucher pour se laver du sang qui lui recouvrait les mains et les avant-bras, parsemaient son ventre comme des balafres. Ce n’était pas le sien. On lui avait donné des vêtements propres, des vêtements d’hôpital, mais il avait gardé son jean, comme un souvenir macabre. Il avait eu beau frotter, tout le sang n’était pas parti. Il se regardait parfois les avant-bras avec intérêt, décelant des tâches brunâtres, se mouillant le pouce avec la langue, tentant sommairement de palier à cet oubli. Il caressait distraitement le bandage qui recouvrait ses phalanges droites, là où elles étaient en sang.
Il faisait les cents pas dans le couloir, guettant une quelconque activité dans la chambre qu’il surveillait, jetant profusions de regards à chaque médecin ou infirmier qui passait, angoissé, attentif, impatient, inquiet, ou bien fatigué et résigné se laissait tomber sur une chaise. Ses yeux se faisaient alors vagues, distants, s’éteignaient. Il revoyait sans doute les quatre corps étendu dans ce couloir. Il entendait encore ce cri, puis cette détonation, et ce son mat d’un homme qui s’écroule. Il revoit comme s’il le revivait, cet homme, ce monstre, debout au dessus de son ami par terre, pointant sur lui une arme, s’apprêtant à l’achever. Alors, c’est l’horreur, la véritable. Il ne contrôle plus son corps, réagit d’instinct pour empêcher cette chose qu’il ne veut absolument pas qu’elle se produise. Il hurle, fonce sur l’homme surpris, qui relève le bras, tourne son arme vers lui. Trop tard, c’est le choc, il pousse l’homme de toutes ses forces et tombe avec lui. A peine s’il entend le craquement sinistre des vertèbres de cet assassin alors que sa nuque ploie contre le coin d’une table. Il n’y avait pas fait attention. Maintenant qu’il y repense, ce son passe en boucle dans son esprit. Il frappe, se déchaine, lui qui n’a jamais frapper personne de sa vie, ne sent même pas la douleur qui se diffuse dans sa main à la peau arrachée. Haletant, il s’arrête, se redresse. L’homme ne bouge plus. Il lui écrase la main qui tien encore le pistolet, et donne un coup de pied dans celui-ci pour l’envoyer au loin.
Alors il s’effondre aux cotés de son ami, vérifiant qu’il respire encore. Le sang déjà dessine une mare à ses pieds. Sur son T-shirt autrefois bleu s’épanouie une large auréole noire. Il soulève le T-shirt, regarde avec horreur la blessure. Il n’hésite que très peu, retire son blouson, son T-shirt et son maillot de corps. Il plie ce dernier et le presse sur la blessure. Il roule en boule le deuxième et le calle sous sa tête. Il recouvre le corps de son ami de son blouson, et craignant qu’il n’ait pas assez chaud, retourne le corps du meurtrier, se saisit du sien, le met sur son ami. Il n’a presque pas prêté attention à la flasque rouge qui s’étendait autour de la tête de l’homme. Mais maintenant qu’il revoit toute la scène encore une fois, ses yeux demeurés longtemps sans cligner, s’écarquilles, fixes cette horreur remémorée. Il a tué un homme. Cette constatation empli son corps de frissons. Il n’y pensait pas alors. Il ne voyait que son ami, blessé par balle, qui allait peut être mourir sous ses yeux. Il pleure en le suppliant de survivre, cherche désespérément quoi faire pour l’aider.
C’est ainsi que le trouvent les secours, après avoir traversé le couloir jonchés de quatre cadavres encore chauds, presque hystérique, assis dans une vaste étendue de sang, au dessus d’un corps qu’il jure encore en vie. Les secours les embarquent tous les deux. Lui n’a rien, mais il était impossible de le séparer de son ami. Il certifie que le sang qui le recouvre n’est pas le sien et écarte avec irritation toute tentative de l’étendre sur un brancard et de le calmer. Il monte dans l’ambulance et arrive à l’hôpital dans cet état que l’on devine encore.
C’est ainsi que je le découvre. Personnage incongru badigeonné de sang comme un guerrier sauvage. Il en a sur tout le devant de son jean, sur ses mains, sur ses bras, de larges taches sur le torse, et même jusqu’aux joues, comme s’il avait voulu essuyer ses larmes sans s’être lavé les mains. Il donne l’impression d’avoir pleuré du sang. Il n’a pas pu accompagner son ami au bloc opératoire, où on lui enlève la balle du ventre. Les médecins ne savent pas trop quoi faire de lui, s’il faut aussi l’opérer, s’il est blessé gravement ou non. Ils parviennent à le faire s’asseoir sur un lit et il leur fait comprendre qu’il n’a rien. Après un bref examen, ils en conviennent également, et l’envoient se laver. Le sang s’est déjà séché et forme des croutes qui doivent le démanger, même s’il semble ne pas s’en soucier. Sorti des douches un tout petit peu moins perdu, un policier l’interroge. La mort revient sans cesse dans ses yeux.
Une jeune fille arrive, affolée. Il se lève en la voyant, tente de prendre meilleure contenance. Il lui raconte brièvement ce qui s’est passé. Il omet royalement de dire le rôle qu’il a joué, qu’il a tué l’assassin, sauvé son petit-ami. Elle n’en demande pas tant, se contente de savoir que le garçon qu’elle aime est hors de danger. Lui détourne le regard, honteux sans trop savoir visiblement pourquoi. Quand la famille arrive, il s’éclipse. Il aurait manifestement voulu être là pour le réveil de son ami, rester à son chevet jusqu’au bout, dormir sur place s’il le fallait. Mais il refuse de rester avec eux, de devoir dire ce qu’il a fait. Avouer qu’il a tué un homme pour sauver leur fils, leur frère, son petit-ami. Ils ne pourraient l’en blâmer. Ils lui seraient reconnaissants. Et il ne peut pas supporter l’idée que l’on le remercie d’avoir tué un homme. Il a entendu les médecins tenter de le rassurer. Tu as fait ce qu’il fallait, lui ont-ils murmurés. Tu es un héros, d’autres ont-ils ajoutés. Quel courage, a-t-il entendu chuchoter. Le policier qui l’a interrogé l’a même considéré avec respect.
Cet homme venait de tuer quatre étudiants innocents, qui n’avaient même pas eu le temps de comprendre ce qui leur arrivait. Il en avait blessé un cinquième, son ami, et allait l’achever. Il avait fait ce qu’il fallait. Tout le monde avait l’air de vouloir le féliciter. Et il ne parvenait pas à être sûr de quoi exactement. D’avoir sauvé un homme ? Ou d’en avoir tué un autre ?
S’éloignant de la famille bruyante et apeurée, il passa devant moi. Nos regards se croisèrent. Je vis l’horreur et une sombre résignation dans le sien. Il vit de la compréhension dans le mien. Il parti avec sa blouse d’hôpital et son jean plein de sang. Je su qu’il ne le jetterait jamais. Comme pour dire : n’oublie pas. Même si jamais il n’oublierait. L'aventurier de l'idéalEncore une histoire non achevée. Un petit rêve qui m'avait longtemps occupé l'esprit. Un homme a des capacités psychiques hors normes : il peut étendre son esprit pour englober toute la planète, manipuler les autres comme bon lui semble, il est aussi puissant qu'un dieu. Mais il semble aussi frappé de malédiction. Tous les êtres qu'il aime meurent les uns après les autres, malgré ses pouvoirs, il ne peut les sauver. En rébellion contre le monde tout entier, il tente d'en faire cesser les guerres, les conflits, les crimes. Il se pose en Dieu, omniscient et omnipotent, mais finit tout de même par mourir. Et puis, plus tard, il est ressuscité pour une mystérieuse raison... Une histoire qui ne menait à rien donc je ne l'ai pas continué. - Spoiler:
Le néant. Comment pouvait-on le concevoir ? Pourtant il eu l’impression pendant quelques instants de l’expérimenter.
Le retour à la vie fut brusque. De rien il éprouva soudain des milliers de sensations. Son cœur qui battait, la peau sur le plastique, la pression de la gravité, la salive dans sa gorge, son esprit qui pensait, la fraicheur, un étrange sentiment de liberté, une certaine curiosité envers lui-même. Tout cela surgit en lui comme un tsunami implacable, insupportable.
Il cria tout en se relevant vivement. Où était-il ?
La pièce, d’une blancheur d’hôpital, faisait quinze mètres carrés. Il s’y tenait au centre exact, assis, haletant, sur un lit – de dentiste, pensa t-il. Des instruments l’environnaient, braqués sur lui, les lumières clignotantes. Une lourde porte blindée dont il devina le complexe mécanisme perçait le mur à sa gauche, tandis que devant lui le mur réfléchissait certaines lumières. Quatorze personnes se tenaient derrière ce mur, cette vitre teintée. Elles l’observaient, fascinées, terrifiées, pleines d’appréhension, d’attente, d’espoir, de craintes, d’excitation. Onze individus s’éparpillaient dans la salle où il se trouvait. Des médecins, ou ce qui s’en approchaient, et quatre gardes bien armés, sur le qui-vive. Ils partageaient les mêmes sentiments que les observateurs. Il était nu. Les sangles qui retenaient sa tête et son torse s’étaient pulvérisées en se redressant. Il était perdu. Que s’était il passé ?
Un souvenir ne tarda pas à venir. A peine avait il voulu se rappeler qu’il s’implanta dans son esprit et déferla dans tout son corps. Il tressaillit. Il revoyait une place pleine de monde. Les milliers de consciences qui le suivaient, le choc des pas derrière lui, les voix qui l’acclamaient. La détonation d’une arme à feu, l’impact qui l’avait plié en deux. Son corps tout entier n’était déjà qu’un torrent de souffrance. Il était rongé par un mal inconnu qui le laissait agonisant, mort-vivant. Il n’avait pas senti la balle venir, mais il en avait eu une perception aigue lorsqu’elle avait pénétré son ventre, perçant sa peau, déchirant ses muscles, brulant ce qu’il restait de ses organes atrophiés. Il avait été pris de convulsions, il n’était plus qu’un squelette ambulant qui tenait péniblement sur ses pieds. La balle avait brisé le fragile équilibre qui le maintenait debout. Devant des milliers de personnes affolées, et les millions d’autres qui le regardaient à travers les caméras braquées sur lui dans le tumulte, il s’effondra, pleurant l’injustice du monde. A ses cotés, son dernier amant se précipitait pour le retenir, transfiguré par le chagrin. Il n’y avait rien de plus horrible que sentir son corps tout entier le lâcher en même temps, comme des bulles crevant à la surface de l’eau, ils lui arrachèrent chacun un déferlement de douleur. Cela ne dura pas longtemps. Tout juste eu t-il le temps de se plier en deux, d’ouvrir des yeux éberlués, de tomber par terre, de les tourner plein de larmes vers celui qu’il aimait et de lui murmurer deux mots. « Libers toi ».
Il s’agrippa le ventre comme il ressentait encore une fois l’impact de la balle. Le torrent de souvenirs parfait s’accompagna de la souffrance revécue. Tout son corps sembla exploser de l’intérieur.
Il hurla. Ce qu’il restait de sangles se déchiquetèrent et il roula sur le coté, tomba lourdement sur le dallage blanc. Il tomba encore, alors que la scène se rejouait dans ses yeux. Il convulsa, griffa l’air. Quelque chose pénétra son esprit. Des murmures, des vagues de sentiments qui ne lui appartenaient pas.
Maitrisez le Nous avons réussis Il est en vie Possède t-il encore ses pouvoirs ? Si c’est un échec nous aurons perdu tant pour rien… Nous sommes sauvés S’il devient incontrôlable je le tuerais
Sa bouche se figea en un cri muet, stupéfait. Une pensée diffuse prévalait sur les autres, ce sentiment fier d’avoir réussi à le ressusciter.
__ Qu’avez-vous fait ? croassa t-il avec horreur.
Il était mort ce jour là. Il tâta son corps, ne trouva aucune des cicatrices qui l’avaient marqué au cours de sa vie de lutte. Ses muscles étaient ceux d’un enfant, tout juste ce qu’il fallait pour qu’il bouge. Il était totalement glabre, pas un seul poil ne le recouvrait, son crâne était chauve.
Je suis un monstre.
Il connu un nouveau développement de conscience. Il senti et vit tout le laboratoire où il se trouvait, toutes les pièces, tous les couloirs, jusqu’à la poussière des conduits d’aérations, le moindre atome à vrai dire, et tous ses occupants. A une vitesse stupéfiante sa conscience s’élargit plus encore et en vint à englober le monde entier. Le grondement titanesque de leurs pensées l’envahis. Il mourut trois cent millions de fois en une seconde. Il senti des millions de coupures zébrer son corps, des millions de cancers et maladies diverses le ronger de l’intérieur, toutes les douleurs physiques et sentimentales du monde le percer de toute part. Il vécu également des millions d’orgasmes, de baisers, il ria à en perdre la voix. Les émotions de dix milliards d’êtres humains fusèrent sur lui.
Le hurlement est plus grand que le simple cri. Mais qu’est ce qui est plus grand qu’un hurlement ? Il n’existait pas de mot pour décrire ce qui sorti de sa bouche. Un son aux limites des possibilités humaines. Les vingt cinq individus qui l’entouraient se courbèrent par terre, se prosternant, couvrant leurs oreilles de leurs mains, hurlant eux aussi. Il voulu s’arracher les cheveux mais n’en avait pas. Ses doigts sans ongles s’enfoncèrent dans son crâne et percèrent de profonds sillons. Il se cabra, cherchant à échapper à cette horreur. Son instinct lui souffla la solution, derrière le voile de douleur, et tout cessa. Il s’était coupé de tout ce qui ne dépassait pas les dix mètres autour de lui. Sa gorge le déchirait tant il l’avait malmenée. Les hommes se relevaient. L’un d’eux tenait un pistolet-seringue. Il le pointa vers lui avec l’intention de l’empêcher de nuire. Il aurait bien aimé en rire. Aucun produit ne pouvait faire d’effet dans son corps modifié. Un doute perça cependant.
Ce n’est pas mon corps. Je suis mort. Mieux vaut ne pas prendre de risques.
Pris de vertiges et de nausées, il se releva maladroitement. Il envoya s’écraser contre le mur l’imprudent, veillant cependant à ce qu’il ne se fasse pas mal, broyant la seringue par la même occasion. Les autres réagissaient, s’écartaient, brandissaient des instruments, des armes mortelles dans le cas des gardes. Cela lui revint très facilement. Aussi naturellement que respirer. Ils s’écroulèrent tous de concert, inconscients. Les mécanismes de la porte ronronnèrent, tournèrent, cliquetèrent. Elle s’ouvrit. Titubant, il sorti de cette salle terrible. Il connaissait le complexe comme s’il y avait séjourné toute sa vie. Il traversa les longs couloirs sans rencontrer personne de conscients. Ils étaient soit enfermés dans d’autres sections, soit étendu sur le sol, comateux. Les portes s’ouvraient à son approche, même celles qui nécessitaient des empreintes ADN et codes précis. Les caméras se brisaient dès qu’il entrait dans leur champ de vision, fumaient en grésillant.
Si je suis mort et que ce n’est pas mon corps, que suis-je ? Seulement des souvenirs implantés dans un clone, croyant être quelqu’un que je ne suis pas ? Comment se fait il que je puisse tout de même utiliser mes pouvoirs ? Suis-je moi ou bien un autre ?
Tyrannisé par ses pensées névrosées, l’angoisse l’étreignit, une pression invisible s’abattit sur lui. Il ne pouvait pas rester ici. Cela lui était insupportable. Il accéléra le pas. Son cœur battait si vite qu’il en était douloureux. Sa respiration se faisait sifflante. Il couru. Cela aussi lui était douloureux. Ses muscles atrophiés, nouveaux nés, n’étaient pas encore prêts pour ça. Mais il fallait qu’il s’éloigne le plus vite possible de cet endroit maudit, de cette renaissance non désirée. Il demanda à son corps de se remodeler à sa convenance. Ses muscles gonflèrent, se bandèrent sous l’effort. Des veines saillirent, pulsant anormalement beaucoup de sangs. Il bondissait désormais, avalant les distances comme un coureur olympique. Deux millimètres de cheveux noirs percèrent son crâne, ses sourcils se redessinèrent, s’étirèrent comme ils devenaient plus fin et pointus, encadrant deux yeux noirs plein de détermination. Son nez trop proéminent à son goût se renfonça légèrement. Dans un magasin de la ville à deux kilomètres de là des vêtements bougèrent, un slip blanc s’éleva, suivit d’un jean noir pas assez serré pour gêner ses mouvements, d’un débardeur blanc, d’une paire de chaussettes blanches et de chaussures de skateurs Vans. Une fenêtre s’ouvrit sans déclencher d’alarme, les anti vols et les étiquettes cliquetèrent en tombant, les habits s’échappèrent dans le ciel. Le vent lui balayait le visage. La fraicheur de la nuit s’engouffra dans sa peau. L’odeur de l’air lui fit frémir les narines. Il avalait les distances comme un dément.
Courir, courir, sans jamais fuir, foncer vers la liberté !
Il éclata de rire, jouissant de sa liberté. Les vêtements s’arrêtèrent à sa hauteur et il les saisit tout en riant, s’habillant rapidement plus pour le plaisir d’être vêtu comme il l’aimait que par souci de pudeur. S’apercevant qu’il devenait hystérique, il se força à retrouver son calme.
Il regarda autour de lui, sans même avoir besoin de tourner la tête. Les environs lui apparurent aussi clairs qu’une photographie, il en connaissait désormais les moindres détails, il pouvait en compter les brins d’herbes et recenser les insectes. Le laboratoire se trouvait à moins d’un kilomètre de la ville, entouré d’un parc peu entretenu, un peu en hauteur. Il ne pouvait pas rester ici. Il banda les muscles de ses jambes, puissants comme ceux d’un sportif de haut vol, et se remis à courir. C’était si grisant. Il s’efforçait de se concentrer sur cette sensation de bien être pour ne pas avoir à penser à ce qui le torturait depuis son réveil. Il n’était néanmoins pas homme à s’aveugler et repousser les pensées désagréables par lâcheté. Il s’engagea dans la ville ensommeillée. Personne ne le vit. Haïssant les caméras, ces violeuses de vie privée, il désactiva les cent quarante que comptait la commune, quand bien même il ne passait pas devant. A cette heure de la nuit il n’y avait personne dans les rues. Il évita les rares présences qu’il sentait. Il escalada souplement un immeuble de sept étages et se posta sur son toit en pente, pour réfléchir tranquillement. Il faisait froid. Il demanda à son corps d’ignorer le froid. Il n’eu plus froid. Il ne pourrait pas aller plus loin tant qu’il n’aurait pas répondu à une question primordiale.
Qui suis-je ? Je crois être moi mais c’est impossible je suis mort… Il vérifia dans l’esprit du couple qui dormait juste en dessous de lui. Ils ne sentirent rien de cette intrusion. Je suis mort il y a quarante neuf ans. J’ai senti le vide s’emparer de moi. Une fois les yeux fermés, il n’y avait plus rien. J’ai cessé d’être. Pour me réveiller sur cette table d’opération dans un corps qui n’est pas le mien. Cet esprit est il le mien ? Ils ont surement mis la main sur mes mémoires, sur tous mes documents, ils savent tout de ma vie. Assez pour reconstruire mes souvenirs et les implanter dans un esprit vierge ? Mon plus vieux souvenir… la maternelle. Dans la cour de récrée, m’amusant avec mes amis. Je ne l’ai jamais écrit dans mes mémoires, mais ça ne veut rien dire, ils ont pu l’inventer, me forger de faux souvenirs pour combler les trous. Ne reste que mon pouvoir, pouvoir que je suis le seul à posséder. Comment aurait il pu subsister après ma mort ? Comment pourrais-je le maitriser avec tant d’habilité, comme je le faisais avant ? C’est une chose qu’ils n’ont pas pu refaire artificiellement. Le plus simple est encore de regarder directement comment ils s’y sont pris.
Il tendit son esprit vers les scientifiques et toutes les personnes impliquées dans cette horreur. Il les trouva immédiatement, deux cents esprits s’ouvrirent à lui. Il les bu avidement, laissant de coté les détails personnels qui ne le concernaient pas, ne regardant que ce qui le touchait de près. Une minute plus tard il savait tout ce qu’il voulait.
Ils se sont servi de l’appareil de stase avec lequel ils m’avaient déjà enfermé pendant vingt ans, pour protéger mon cerveau et l’ont implanté dans un corps développé en cuve basé sur l’ADN récupéré sur mon cadavre. Ils ne peuvent me mentir, je suis donc moi.
Il éprouva un intense soulagement. Le laboratoire était en état d’alerte, les hommes qui l’avaient accueillis se relevaient en grognant et les responsables contactaient avec frénésie de plus hauts placés pour leur faire leur rapport. Il écouta avec intérêt le directeur de projet discuter avec le Président de la République.
__ Comment s’est passé son réveil ?
__ Pas aussi bien que nous l’espérions mais ce ne fut pas non plus le pire des scénarios catastrophes envisagés.
__ Qui était ?
__ Qu’il se réveille et tue la planète entière pour se venger.
__ Il n’est pas encore trop tard pour ça. Expliquez-moi ce qui s’est passé.
__ Ses fonctions vitales étaient normales, il était en parfaite santé et son cerveau en activité de repos. Lorsque nous l’avons réveillé il a crié. D’après les capteurs il semblait ressentir une immense douleur. Elle était cependant imaginaire. Probablement un souvenir de sa mort. Il s’est malheureusement détaché et avant que l’on ait réussi à faire quoi que se soit il a hurlé de plus bel et terrassé tout le monde. Il est ensuite parti mais nous n’en savons pas plus. Il a détruit toutes les caméras et les capteurs et détourné le satellite de son orbite. Il nous faudra une vingtaine de minutes encore pour le placer correctement.
__ Il a donc retrouvé son entier potentiel, s’il est capable d’atteindre les objets en orbite.
__ Oui, monsieur le Président.
__ Que va-t-il faire selon vous maintenant ?
__ Surement tenter de comprendre ce qui est arrivé et se familiariser avec ce nouveau monde. Ensuite… nous ne pouvons prévoir sa réaction. Il est typiquement imprévisible, lui-même avoua dans ses mémoires n’avoir parfois pas de pensées cohérentes, ni toujours suivre de plans raisonnables. On peut penser qu’en voyant la recrudescence de criminalités et des conflits mondiaux après sa mort il va se mette en tête d’arranger les choses pour rétablir la paix. Nous devrons lui proposer notre aide, conformément au plan prévu s’il s’échappait avec ses capacités, afin qu’il se range de notre coté.
__ Il ne peut pas nous en vouloir de l’avoir ramené à la vie après tout, n’est ce pas ?
__ Il est plutôt rancunier mais nous savons qu’il n’a jamais voulu mourir, alors il sera peut être reconnaissant de cette seconde chance que nous lui offrons.
__ Qu’en est il de ses adorateurs ? S’ils apprennent qu’il a refait surface leur côte crèvera l’espace, ils auront un dieu vivant capable de transcender l’espère humaine, un messie mort une fois puis ressuscité. Rien ne pourra les arrêter. Pas même lui.
__ Nous nous y sommes préparés, monsieur le Président. Il est évident qu’ils se mettront en mouvement dès qu’il commencera à agir.
__ Pourrait il accepter son rôle de dieu vivant et se dresser contre nous ?
__ Improbable, monsieur le Président. Nous espérons que sa personnalité n’a pas été altérée par la stase et qu’il est le même qu’avant sa mort – c'est-à-dire un rêveur, un idéaliste, un révolutionnaire anarchiste sans dieu ni maitre. Il n’est pas dans sa personnalité de chercher le pouvoir politique, il le fuira surement, et mettra peut être même un terme à la plupart des activités des Aventuriers de l’Idéal qu’il jugera contraire à ses principes.
__ Demeure la grande inconnue. Que va-t-il faire ?
Il s’immisça dans la conversation avec un plaisir délicieux.
__ Monsieur le Président, directeur.
__ Qu’est ce que… Une voix dans ma tête !
__ C’est lui ! Il est déjà ici !
__ Je suis partout.
__ Vous avez tout entendu ?
__ Je sais tout.
__ Alors vous savez pourquoi nous l’avons fait.
__ J’hésites à vous être reconnaissant. Mon réveil fut très douloureux. Vous n’avez même pas idée. Pour vous rassurer sur un point, sachez que ma personnalité est la même qu’avant ma mort, bien que l’expérience de la mort m’ait indubitablement changé de manière profonde. J’ai réfléchis à ce que j’allais faire de cette seconde vie. J’ai bien peur que vous soyez un frein à la réalisation de mes rêves. Dans tout le laboratoire les ordinateurs explosèrent. Tous les espaces de stockages furent comprimés, illisibles. Les livres, les carnets, les notes brulèrent. Un à un, tous les scientifiques s’écroulèrent. Il pilla consciencieusement leur mémoire, supprimant tout ce qui se rapportait à ce projet fou de le ressuscité. Il nota tous ceux qui y étaient mêlés de près ou de loin. Ils subirent eux aussi une perte partielle de mémoire, où qu’ils se trouvent dans le monde. Il s’attaqua à tous les ordinateurs qui contenaient des informations sur le projet. Les serveurs qui hébergeaient les données sur internet furent eux aussi détruits. Il s’assura qu’il ne reste pas la moindre trace de ce désir de le faire revenir à la vie, et encore moins de la réussite de cette entreprise. Il n’épargna pas le Président de la République. Celui-ci grogna, puis s’effondra face la première sur son bureau de l’Elysée. Le directeur du projet tenta de fuir le laboratoire, tout en sachant très bien qu’il n’y avait nulle part sur la planète de lieu où il pourrait lui échapper. Il vit tous les instruments crépiter, fumer et fondre autour de lui. Ses collègues tombèrent inanimés les uns après les autres sous ses yeux. Il cria, appela à l’aide, mais il n’y avait plus personne de conscient dans le bâtiment et les lignes étaient coupées. Il tomba à genoux et le supplia de l’épargner.
__ S’il vous plait, nous ne pensions pas à mal, ne détruisez pas le travail de toute ma vie, nous voulions sauver le monde, nous avons besoin de vous, je vous en supplie, je vous… Impitoyable, il pénétra son esprit, chassa tous les éléments se rapportant au projet, les écrasa sans abimer le cerveau. Quand il en eut fini, plus personne ne savait qu’il était vivant. Il allait pouvoir recommencer une nouvelle vie. Cela allait bien sûr demander de l’organisation. Assis sur le toit de l’immeuble, silhouette obscure dans la nuit claire de Juin, il réfléchit.
Il déplia ses membres sveltes et se leva, se rapprocha tranquillement du bord du toit et sauta sur le balcon du dessous, s’y rétablissant souplement. La porte fenêtre s’ouvrit dans un déclic silencieux. Les occupants de l’appartement dormaient profondément. Ils ne se réveilleraient pas. Il se dirigea vers la salle de bain, les lumières s’allumant toutes seules sur son passage. Il se regarda dans le miroir. Il grimaça. Il avait l’air d’un homme d’une trentaine d’année plutôt fatigué. Cela ne convenait pas à ce qu’il désirait. Il se rappela à quoi il ressemblait quand il était adolescent et son visage rajeunit, ajoutant ci et là des modifications de son cru. Il était désormais un jeune homme de dix neuf ans, bien qu’au corps d’athlète. S’il était modeste, il n’en était pas moins extrêmement vaniteux. Il adressa un sourire charmant à son reflet. Il rit doucement, tant il était bon d’être jeune, beau et en pleine santé. Il préférait ne pas s’en rappeler, mais les derniers instants de sa vie lui revenaient sans cesse comme de turbulents insectes, le piquant de souvenirs plein de douleurs. Il fit demi tour et sorti par le balcon. Derrière lui, les portes se fermèrent et les lumières s’éteignirent. Il s’accroupit sur le rebord de pierre du balcon, à deux doigts du vide, contemplant la nuit. Paris, c’est là que je veux aller. Mais avant ça, il me faut une identité civile reconnue par l’Etat. Il me faut un passé, une vie.
Il rechignait à abandonner totalement sa vie précédente. Cela aurait été tirer un trait sur ce qu’il était. Il tendit son esprit vers la préfecture de Saint-Denis. Des machines s’éveillèrent, ronronnèrent. Il sauta, atterri sans bruit dans la rue, se mit en route. Il courut jusqu’à la ligne de chemin de fer la plus proche, rattrapa un TGV qui allait à Paris. Le train ne ralenti pas mais ouvrit pour lui une porte qu’il saisi d’un bond. Comme si de rien était, il s’installa dans un compartiment vide. Plusieurs ordinateurs s’activaient, solitaires, dans des locaux obscures. Les touches des claviers s’enfonçaient toutes seules, les souris glissaient, prises d’une vie subite. Un rapport de maternité certifia bientôt qu’il était né à Montreuil le 11 mai 2069, ce qui lui faisait dix neuf ans. Un dossier scolaire informatique détailla tout son parcours depuis la maternelle, avec notes, appréciations de professeurs, adresses et numéros de téléphones où joindre ses parents. Ceux-ci étaient décédés deux ans plus tôt dans un accident de voiture. Un rapport de police se créa pour avaliser l’évènement, de même qu’une ligne dans la colonne nécrologique d’un journal communal de Montreuil. Le dossier de l’assurance et du procès suivirent. Il n’y avait plus grand-chose d’écrit dans ce monde, se rendit il compte. Il était facile de se créer une vie informatique. Il se créa plusieurs comptes en banque et les garnis d’argent. Il chercha un appartement sympathique à Paris. Il balaya tous les réseaux de sociétés immobilières jusqu’à en trouver un qui lui convenait. Il transféra l’argent, rédigea les dossiers, modifia légèrement les souvenirs des employés qui croiraient désormais l’avoir vendu depuis des semaines. Personne ne les contredirait. Il fouilla les sacs des personnes qui voyageaient avec lui, trouva un appareil photo qui lui convenait et le fit voler jusqu’à lui. Il adopta la pose neutre qu’il fallait et prit la photo. La carte mémoire s’éjecta, la vitre s’ouvrit et elle fusa dans la nuit. En esprit, il la guida jusqu’à Paris, bien plus vite que le TGV. Il la protégea des frottements de l’air. N’importe quoi qui se serait trouvé sur son chemin aurait été pulvérisé. En dix minutes elle atteignit Saint-Denis où elle se ficha dans un ordinateur de la préfecture. La photo fut chargée et ajoutée au dossier. Une machine vibra. Elle imprima sa carte d’identité qui indiquait dater de l’année dernière. Carte d’identité et carte mémoire revinrent à lui. En chemin elles furent rejointes par le billet de la SNCF certifiant qu’il avait le droit d’occuper ce compartiment, payé pour Bordeaux/Paris. Il mit la carte d’identité et le billet dans ses poches et replaça la carte mémoire dans l’appareil photo, lui-même retournant dans son sac. Vingt minutes avant d’arriver à Paris, une carte de crédit et cent euros en billets de dix, vingt et en pièces passèrent par la fenêtre pour tomber dans sa main.
Ais je oublié quelque chose ?
Une boite de tic tac à la menthe fraiche se posa à coté de lui. Le train ralentit et s’arrêta à la gare de l’Est. Il se leva et sorti tranquillement. Les gens portaient leurs bagages, lui n’en avait pas. Il y avait déjà du monde, au petit matin. Il restreint sa conscience pour ne pas être avalé par le bourdonnement des pensées.
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